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samedi, février 12, 2005

le japon sans concession 

La raison pour laquelle je voulais voir du noh remonte a la 4ieme. en ce temps-la, j'avais un professeur de francais-latin absolument fou, que presque tout le monde detestait. j'aimais beaucoup. il nous a fait, un jour, une representation de noh. c'etait merveilleux. pendant une ou deux minutes, il a fait des sons gutturaux continus hummmmmm hummmmmmm en regardant en face tres fixement et en tournant tres legerement le buste de temps en temps.
il avait raison. le noh c'est ca. sauf que c'est hoooo hoooo.
comme documentation importante sur le theatre japonais, on peut se reporter aux dingodossiers de gottlieb, numero un ou deux je ne sais plus. c'est sur le kabuki, je pense que je n'irai pas voir ca.

mon ami akira est un fan de otsuka et un fan de noh (j'ai deja introduit a vous mon ami akira, quelques temps deja, il y a). il a organise une petite sortie hier apres-midi, et nous sommes alles au theatre Ohe, pres de Oike-Kawaramachi, en plein centre ville.
decor. la scene est carree, en angle, en face sur la droite quand on entre depuis la salle du the. tout est en bois. il y a un etage - mezzanine ou nous etions. aux 2 premiers rangs en bas on peut s'assoir sur des chaises, les rangs d'apres, sur une petite estrade en bois, sont agrementes de petits coussins tres fins ; a l'etage, les chaises sont contre le mur au fond. il n'y en a pas moult et la prochaine fois je serai plus vive pour m'en saisir. il semble qu'on dorme beaucoup mieux sur les chaises (selon l'observation de la salle) et qu'on y ait moins envie de gigoter. des petits stores en lattes fines decorent le haut des mezzanines. pour tout decor sur scene, on a droit a l'organisation architecturale - un couloir d'arrivee depuis au fond a gauche, avec un rideau aux couleurs du reggae (vous allez sentir au fur et a mesure combien le noh est reggae dans l'ame) qui separe des coulisses - une peinture au fond de la scene, un vague arbre vert sur fond marron clair. la scene est vide, du parquet d'un beau marron. on distingue quelques traits blancs au sol, dont on decouvre vite qu'ils servent de marque pour que les musiciens se placent bien, selon le code annncestrrral. derriere la salle, il y a les bancs et les tables avec les thermos de the et les coupes en tas. en angle la petite cuisine pour preparer le the et nettoyer les tasses, a cote, le coin fumeur (vide au debut de la piece), de l'autre cote des toilettes. dans la salle, tout le monde presque est assis sur des coussins. il y a des poeles et la piece n'est pas tres froide. on est en chaussettes car les chaussures sont bien entendues abandonnees a l'entree. le bois sent vraiment bon. relativement nombreux gaijin, genre 6-7 avec moi (finalement aux trucs traditionnels il y a plein de gaijin et aux trucs normaux genre boite, il y en a moins....). des femmes habillees en yukata, comme chaque fois qu'on sort a kyoto. cheveux releves avec les piques...
la decoration est donc minimaliste. on nous informe principalement qu'il y a une scene et qu'on a le droit de regarder dans cette direction-la.
Junichiro Tanizaki, dans "eloge de l'ombre", se plaint que les scenes de noh soient maintenant trop eclairees et je suis un peu d'accord avec lui, meme sans connaissance d'un etat anterieur ideal ou l'eclairage serait a la bougie. ca resplendit trop, ce beau bois patine. on voit trop bien les differences de couleurs aux endroits ou le vernis d'il y a 100 ans est un peu parti, au centre de la scene, la ou il y a le plus d'action.
enfin, action est une facon de parler.

histoires. mon ami akira a la gentillesse de tenter une traduction des petites BD distribuees a l'entrees qui racontent l'histoire a venir. Ce jour-la il y a sur scene

1.Noh "OJIO (le petit sel=le nom de lieu)", L'histoire d'un fantome d'un poete ancien.
2.Shimai(Dance) * 3 histoires
3.Kyoguen "SHIMIZU (de l'eau pure)", La comedie d'un jeune serviteur et son chef.
4.Shimai(Dance) * 4 histoires
5.Noh "NOMORI (un gardien de la plaine)", L'histoire d'un pond de mirroir d'un diable.

le numero 5, je ne sais pas car (j'avoue ma lachete au bout de 3 heures de japonais ancien) je suis allee depenser mon argent a muji (faire du shopping, activite tres honorable grace a laquelle l'economie japonaise continue a briller des feux de sa magnificence). la traduction me laisse pensive.
le noh est la tragedie. le kyogen est la farce. le shimai est un resume de noh, et rien qu'a lire cette expression vous sentez deja que c'est ca qui est le mieux. un resume de noh. ouah. trop cool. deux minutes au lieu d'une heure, la meme energie en concentre, j'achete.

l'histoire 1, j'ai garde la bd. deux hommes se promenent dans la montagne et croisent un fantome. il a un sacre masque le fantome, tres vieux, assez effrayant meme s'il est gentil, et des habits un peu moins ridicules que les autres. je reviendrais sur les habits, ancetres de ceux de sankukai ou goldorak (on comprend beaucoup de choses a l'esthetique nippone en allant au noh). les hommes sont alles dans la montagne pour voir la floraison des cerisiers (car ils sont japonais). le fantome leur dit un poeme puis raconte l'histoire du grand poete de la region qui l'a ecrit. l'homme demande pourquoi le grand poeme du grand poete a ete ecrit. le fantome lui raconte dans quelles circonstances.
je n'ai pas trop de details sur ce point. petite apparte sur la mise en scene : tout se deroule en japonais du XIVieme siecle. les roles sont ici joues par des acteurs ayant depasse la date limite de consommation, la voix est plus que chevrottante, ce qui n'aide pas a la comprehension je suppose. on aura meme droit a un trou d'un type qui passe au milieu et raconte une longue histoire dont je ne sais rien. ses copains tres gentils lui soufflent d'abord discretement (j'entends tres bien du fond de la salle mais le monsieur est un peu sourd, je pense), puis lui l'un commence sa phrase hyper fort, et la il reprend. je suis d'ailleurs tres decue car la bd montrait des mecs plutot jeunes en train de se promener, et la, seuls les vieux parlent. les jeunes sont mis la en decoration, avec le role du serviteur poli qui ne dit rien et reste assis avec un air tres serieux, dans un coin, sans bouger, en demi seiza (aie aie aie) pendant une heure. vu les economies de moyen dans la mise en scene, je trouve qu'ils pourraient mettre un pantin a la place, tout de meme.
apres avoir rencontre le fantome et ecoute ses histoires, on le laisse partir et arrive l'autre type, celui qui a un trou (j'ai un peu dormi la, il etait plutot nul cet acteur-la). il nous apprend en 10 minutes que le fantome etait le fantome du poete. on aurait un peu compris... alors le fantome revient mais pas sous la meme forme, et raconte sa tristesse et que c'est bien triste d'etre vieux (je n'ai pas tres bien compris car akira m'a explique que c'est le vrai poete qui revient et pas son fantome, ce qui serait un peu merveilleux en terme de coherence narrative.. pas que ca me pose des problemes personnels, les narrations qui partent en tous sens avec quelqu'un qui est mort et plus mort apres, mais je ne peux pas garantir que je ne rate pas un detail).
bref le poete raconte alors qu'il a aime une princesse, mais qu'etant d'extraction trop basse, il n'a pas eu droit de se marier avec. en vieillissant, il est monte dans la societe, mais c'etait trop tard, un amour rate.
et c'est fini.

ha ha ha je vous ai bien eu, vous croyiez qu'il allait y avoir une histoire, hein ?
pour le kyogen, un peu. pour le noh, j'ai l'impression qu'on est plus dans la situation, quelqu'un raconte quelque chose, on fait un constat. voila.
pas d'action. s'il vous plait. un peu de retenue.

histoire 2 (kyogen). un serviteur n'aime pas trop son maitre qui l'envoie chercher de l'eau. il est faineant et raconte donc un mensonge : il a vu le diable pres de la riviere et a eu si peur qu'il n'a pas ose prendre l'eau et est revenu bien vite. le maitre qui n'a pas peur va a la riviere. le serviteur se dit "aie s'il voit que le diable n'est pas la, il va encore plus se facher" alors il se deguise en diable et va faire peur au maitre. comme il est bete en plus d'etre faineant, il demande au maitre d'etre gentil avec son serviteur et meme de lui donner une augmentation. il tape un peu sur son maitre, .. tout pareil que des serviteurs dans des comedies europeennes se regaleraient sur leur maitre. je fais le parallele ici, parce que le kyogen ne me semble presque pas exotique. c'est hyper normal pour quelqu'un qui a vu quelques interpretation differentes de moliere, un peu de comedia dell'arte, meme juste en passant. c'est vraiment la farce, avec des personnage tres types, des mouvements exageres, sans la prise a partie du publique ni de grotesque mais on est tellement dans la gestuelle outranciere que c'en est pas loin.
bref, le maitre rentre et demande au serviteur s'il a pas un diable dans sa famille parce que le diable a beaucoup insiste pour une augmentation pour lui il trouve ca bizarre. le serviteur sent que ca ne va pas et que le maitre doute, il veut avoir son argent, alors recommence a jouer les diables, le maitre le perce a jour, et c'est la fin.
c'est vraiment tres drole, meme en ne comprenant rien. la choregraphie est d'une efficacite dans l'evocation qui est le bon yang du yin du noh. si je peux me permettre des aneries de ce type. c'est l'oppose. mais c'est offert dans des spectacles complementaires.

mise en scene. les personnages de noh sont ridiculement habilles. je tiens a le dire. d'apres akira on s'habitude vite et je le crois, mais la premiere fois on se dit mon dieu ma mere comment tu es fagotte mon fils. ils ont les jambes de pantalons qui depassent par terre, ils marchent dessus, et ca traine derriere eux sur 40 cm en gros, la ceinture est un peu basse et on a donc l'impression de voir des demi-infirmes avec des jambes d'une taille impossible. il parait que c'est pour donner l'impression qu'ils flottent sur scene plutot que marchent. ca n'a pas du tout produit cet effet la sur moi. je prefere le travelling dans la belle et la bete de cocteau. les personnages ont des couleurs un peu ternes, sauf le fantome qui a vraiment des beaux kimono. celui du dessus est superbe, d'un vert brillant, avec un sous-kimono violet brillant aussi ouah... en plus lui, on voit les pieds, tout comme le serviteur, ce qui donne un air un peu moins anormal (bien qu'il ait un masque). difficile de omprendre precisement pourquoi ces deux-la ont des pieds. personne n'est maquille ici.
il y a beaucoup de monde sur scene. comme dans la banque ou des gens sont la pour dire bonjour dans le hall, au theatre il y a des types au fond qui remettent bien le kimono de l'acteur quand il a un peu bouge. quand on change le decor ou qu'on vire un accessoire, un type sort des coulisses par le rideau roots ou par une petite porte coulissante sur le cote et emporte ou amene l'objet (ici un espece de carosse constitue de quatre bouts de bois et un bouquet de fleurs). pas de concessions on a dit. on va pas faire comme si que on n'etait pas au theatre. pendant le kyogen, un type reste au fond pour enlever le masque de l'acteur et lui remettre quand il redevient diable. assis au fond, tranquille, il retire un masque, il l'enleve. pas cool comme boulot, ca ? je suppose que la formation est severe, en vrai, le calme total est de rigueur, je doute qu'on ait le droit de faire du bruit en respirant.
les chanteurs sur le cote, a un moment, se saisissent de leur eventail, le tiennent main, le reposent. super choregraphie.
car il y a des chanteurs.

la musique. jusque la j'ai l'air de me moquer un peu. parce que je n'ai pas parle de ce qui est vraiment important dans le noh, la musique. depuis les coulisses on entend au debut ces tambourins avares et cette flute stridente, qui ne vont plus nous lacher. puis les musiciens entrent, s'installent avec leurs assistants (un assistant par musicien), commencent a faire leurs hoooooo hooooooo, en tapant sur leur tambourin. ils ont une voix rauquasse, tres belle, et nous endorment vraiment avec leur repetition de hooo interrompu par un claquement sur le cuir. enfin, pas interrompu, avec un leger decalage. un autre monsieur a une flute qu'il actionne a l'occasion et qui est vraiment stridente etonnante pour nous. sur le cote des chanteurs vont, de temps en temps se mettre a chanter tres grave. vraiment pas souvent. pendant que le fantome danse il n'y a que les musiciens qui font bang clap hoooooo.
decrit comme ca ca n'a l'air de rien mais c'est vraiment envoutant.
les danses sont un peu differentes. quatre types sont installes au fond en ligne et un autre vient se mettre devant. il commence a chanter en se levant, puis les autres reprennent en coeur et continuent sa chanson pendant qu'il danse. plus ou moins dynamique, selon que c'est une histoire de samourai ou de l'esprit du pin sylvestre (qui s'avere assez calme, comme esprit). la danse dure 3-4 minutes et on passe au suivant. les deplacements sont suivant les diagonales, puis en demi-cercle tres large (presque une droite sur le trajet considere) juste devant le public et un retour en diagonale. tout le monde sur scene tourne a angle tres net avec tout le corps, comme marc mon sensei de montpellier m'a appris a l'aikido pour les passages de grade. la danse comme pendant le noh, le mouvement des pieds est assez lent et tres precis. petit pas, petit pas.

les musiciens sont habilles avec des epaulettes immenses, c'est pour ca que je pense a goldorak. c'est moins horrible que les habits des acteurs mais reste un peu perplexant. mais a ca aussi on s'habitue...

bon, je ne sais pas bien decrire la beaute de la musique et de l'ambiance, je sais mieux me moquer. mais tout le monde doit aller voir du noh parce que c'est merveilleux. assis sur une chaise plutot.

sinon osaka a des petites zones dans le centre administratif ou trois etages d'autoroutes et de ponts passent entre des immeubles de 30 etages. c'est vraiment sublime. quand les voitures passent la nuit, on a l'impression qu'elles flottent dans les airs et on est dans blade runner. envoutant.

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