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vendredi, mai 06, 2005

rebonds (2) 

aujourd'hui aussi, je lis la constitution. je m'arrete a l'article I-3 - les objectifs et je me demande si on peut prendre des cours de langue de bois. ca m'interesse, j'aimerais bien etre capable de me contredire vingt fois en trois lignes comme ca, en gardant un air calme et sans que la sueur ne degouline de mon plastron. la liberte et le libre echange economique, mais qui peut encore y croire apres toutes ces annees d'histoire ? comment peut-on encore formuler comme un ideal du XVIIIieme siecle des croyances creuses et seduisantes dont on sait qu'elles sont irreconciliables ? j'apprecie tout particulierement la juxtaposition de solidarite et de concurrence (surtout l'expression "une économie sociale de marché hautement compétitive") qui me semble une forme d'aberration logique. si on me demande de signer pour un truc qui raconte n'importe quoi, je ne vois pas pourquoi je le ferai.
je promets que je continuerai la lecture, mais c'est trop pour aujourd'hui.

note pour les fideles lecteurs : vous etes 5 a avoir repondu au test des lecteurs en envoyant un email la ou j'avais demande ou sur mon email habituel. je ne me sens vraiment pas beaucoup de responsabilites sur terre. tout va bien.

2 mai. deuxieme jour. le stage continue et je me glisse dedans. d'un point de vue technique, les stages d'endo sensei se ressemble pas mal dans ce que j'en ai vu. comme c'est un travail sur l'"interne" comme dit nico, on ne doit pas forcement effectuer des formes tres complexes. on prend contact et on gere le contact - sur l'epaule, par le poing, sur la tete, sur la hanche, avec une ou deux personnes a promener. apres on passe a des attaques par saisie ou par shomen ou l'on doit prendre le contact et faire bouger l'autre. on conclut en general par un kotegaishi, un shihonage, un irimi, surtout en ce premier jour pour moi ou je percois principalement du travail de ura (je percois surement pas grand chose, notez, vu que je suis paumee grave). c'est donc surtout parce que ce stage permet de toucher beaucoup de ses eleves, qui font sentir en general tres bien les points importants, que c'est bien - beaucoup d'aspiration et ne jamais laisser le uke s'arreter, ne pas faire de forme qui entre trop durement (un retour de irimi tres arrondi - circulaire), ne pas trop suivre non plus (qui est mon defaut de base, qui me permet de dire que je suis une mauvaise uke, le manque de "poids" malgre les kilos superflus). note sur la position de la jambe qui balance sous le dos du uke au moment de la projection et qui laisse un genou sous le dos si on ne bouge pas assez vite.
il est bien sur complique d'en parler, surtout en ne comprenant rien. endo sensei a beaucoup de charisme et reussit toujours ce travail de rapprochement des gens. quand a un moment j'ai un peu de mal a travailler avec une femme, nous avons l'occasion de le toucher quelques instants, et soudain tout se passe mieux entre nous. je suppose que c'est en partie le role de l'enseignant, puisque je constate que yoko sensei fait cet effet aussi. mais chez endo, je le ressens a des degres bien plus impressionnants.
il nous encourage a sentir, a se sentir, a sentir l'autre. il recommande de ne faire qu'un, de ne vouloir que la reussite du contact, sans recherche de technique qui passe. il dit que le tori ne doit jamais se fatiguer. il espere (un peu plus tard dans le stage) que nous avons senti quelque chose, et propose de reflechir a ce qui nous a fait sentir ce nouveau, chercher pourquoi nous avons changer notre perception, en nous situant dans quelle recherche. finalement, il insiste beaucoup sur les etirements de fin de cours (5 bonnes minutes y sont consacrees) et fait faire une petite meditation originale et fabuleusement efficace dans le contexte mental qu'il demande pour sa pratique : s'assoir en seiza et penser a tous ses partenaires du cours. ca, vraiment, c'est nouveau pour moi et ca donne envie de le recommander. c'est encore mieux (pour moi) que de saluer tous ses partenaires de pratique comme le fait faire yoko sensei, apres le cercle post-salut.
de fait, les exercices et les discours seront un peu identiques tout au long du stage, avec un peu plus d'irimi un jour pour gerer du yokomen. la difference sera dans le nombre de rencontres, qui fait sentir de mieux en mieux de quoi il s'agit.
malgre tout, la rencontre avec endo lui-meme est un peu complexe, car il se fout un peu de ma gueule a chaque fois qu'il s'adresse a moi. c'est pas que ca me derange en soi qu'on se foute de moi devant tout le monde, mais tout ce qui est procede systematique m'emmerde (on me connait) et visiblement, au bout d'un moment, ca me fait craquer un peu.
(en repensant j'exagere : quand je lui parle hors du tatami, il est tres aimable a chaque fois, disant qu'il sait que je viens de kyoto - tout se sait ici - et disant qu'on se reverra avant que je parte du japon, donc pas malaimable).
la vie autour : le matin je me suis levee a 6h30 (un peu trop tot) pour participer aux preparatifs du petit dejeuner. bien sur je me ridiculise immediatement en ne coupant pas les bananes comme il faut (mais arigasan assure en mangeant la banane pour reparer la catastrophe), ou en ne sachant pas les arranger de facon harmonieuse sur le plat. car il est essentiel que la presentation soit belle. on n'y peut rien, c'est essentiel. quelques jours plus tard le tcheque qui parle francais me decrira la transmission d'informations pour les trains par endo sensei: il ecrit les informations prises au telephone, il les reecrit en romanji, il les recopie encore pour que ce soit plus joli, et finalement encore une fois pour assurer bien. quatre bouts de papier. le tcheque est traumatise.
on part voir le maire peu de temps apres, qui nous donne une bouteille de calpis (eau speciale pour sportifs) et nous explique que la ville est specialisee dans la carpe (comme la tchequie, ou ils ont envoye des chercheurs apprendre des methodes d'elevage ou de preparation, on ne sait pas), qu'il y a 101000 habitants (reunion de trois villes) et que le volcan qui fait une erruption par an, dont certaines importantes, crache sa fumee de l'autre cote, n'abimant pas la ville.
on va au stage, les cours sont de 11h a 15h, et a la pose la bouteille de calpis du maire se revele parfaite. les tcheques rient beaucoup car le maire ressemble a leur ancien president communiste.
le soir je discute avec le chef des tcheques qui explique comment l'aikido a du etre reinvente par les gens sous le regime communiste, a partir de judo, de karate, de video et de livres, qu'une femme francaise (je ne sais pas qui) a ete la premiere a venir diffuser pour eux, il y a dix-douze ans. c'est interessant. dommage que le andrejw en question soit un type si bizarre, agressif et dominant au quotidien, mais a la pratique merveilleuse.
le soir, c'est la petite fete de la chanson, avec le sensei de shiatsu de nicolas qui joue de la guitare, tandis que sa femme chante de l'opera, endo sensei chante, un joueur de flamenco qui fait les restaurant nous chante une chansonnette, un italien (le seul non-professionnel) nous lance un o sole mio des familles. finalement, une chanteuse danseuse de danses traditionnelles nippones nous fait une demonstration completement hallucinante, beaucoup plus belle que tout ce que j'ai pu voir du no aux geishas, et nous ne nous etonnons plus que le sensei l'aite prise en demonstration de bon usage du corps pour se lever / bonne posture quelque heures plus tot. l'explication de sa voix grave et intense (par elle) est qu'elle relache le maximum de muscle de son corps, et se sert de l'integralite comme caisse de resonnance. fascinant. etonnement quand endo sensei, dont la femme est presente, crie qu'il veut tomber amoureux.
il y eut un soir il y eut un matin, troisieme jour.
3 mai. de nouveau lever pour faire la cuisine, de nouveau pratique que je sens assez similaire, les francais s'egaillent vers le shiatsu ou le honsen. pendant l'apero, je me fait brancher par un nombre impressionnant de vieux profs, qui finalement me lachent quand je leur dis mon age. comme si j'etait trop vieille, finalement, pour qu'on plaisante avec moi comme si j'etais une etudiante. sensei en economie les fait marrer mais les calme aussi un peu. les etudiants (gros groupes d'etudiants) sont arrives ce jour-la, et on est tres serres sur le tatami. (le soir a l'apero ils offrent une chouette a endo sensei qui se moque d'eux - tout le monde offre des chouettes a endo sensei, car c'est l'animal fetiche de sa femme). tout se passe tres bien et le travail marche avec la majorite, l'ambiance est gaie et tout le monde se sourit en bossant. je trouve tres difficile de suivre endo sensei, qui n'attend pas du tout. ses bras droits sont pour moi plus communiquant dans la pratique.
le soir je discute avec le slovaque qui fait un travail tres gore relie a la mafia. je suis tres etonnee, sincerement, qu'on soit un sensei important en aikido dans son pays et executeur de basses oeuvres pour des questions financieres peu scrupuleuses. encore une question complexe, des elements nouveaux a assimiler, des mondes possibles qui s'ouvrent.
il y eut un soir, il y eut un matin, quatrieme jour.
les etudiantes logent dans le dortoir, ainsi qu'une femme avec un enfant qu'elle allaite. a 4h30 l'enfant chouine, a 5h30 les premieres sonneries de telephone se font entendre, souvent se repetant toutes les cinq minutes car la proprietaire est la seule a ne pas se reveiller. on pourrait vraiment s'etonner de l'imagination des sonneteurs de portable, mais a ce moment, c'est plus de l'agacement que je ressens - ca me fait chier qu'on me reveille comme ca. a 6 heures je me leve et je pars sur mon velo pour monter dans la montagne. promenade ou je vois les activites agricoles de la region, beaucoup d'arbres fruitiers dont les agriculteurs s'occupent des le petit jour. montee sur la montagne et rencontre d'une maison magnifique - moderne a double toit majestueux - de chiens aboyant aussi debiles que des chiens francais, ecoute attentive d'une radio a fond la caisse au milieu des champs. retour au dojo ou le petit dejeuner est pret (je suis donc partie longtemps). apres le dejeuner, on part visiter des temples avec des francais et nicolas II nous montre un arbre superbe, entoure de steles funebres. le lieu est si charge en energie que j'en suis fascinee sans savoir pourquoi. comme si cet arbre immense et vieux etait un dieu apaisant, mais capable de degager une fureur sans limite. on se croirait immediatement dans Princesse Monomoke, au sein d'une foret fantome detruite par les hommes et leur amour du progres (cf la constitution europeenne) mais dont la puissance triste est encore presente. le volcan est visible et crache regulierement sa petite fumee. plus loin, un temple et un beau bouddha, un petit cimetiere dans la foret, c'est une partie plus villageoise de saku, qui sinon est une vaste zone industrielle parsemee de champs et de quartiers residentiels contemporains.
il y a la demonstration, tres organisee, avec un groupe dont je ne saisis pas l'origine, les etudiants de diverses fac, le club de saku (avec les petits enfants pendant une longue demo et arigasan et les autres qui les font chuter ou se font demonter la tete ; et une autre demo ou des mecs attaquent des filles qui font semblant de se promener, une fois avec l'attaque qui finit, une fois avec la fille qui evacue son agresseur ; le tout tres ludique), les femmes (dont une troisieme dan superbe et avec qui j'avais adore pratiquer), les etrangers et le hombu dojo (et dont le tcheque, le slovaque, le finlandais, le super bras droit de endo du hombu, qui ne sourit jamais mais est une perle a la pratique). andrejw le tcheque fait rire tout le monde en faisant un "bouh" de type matrix super impressionnant et dans le temps, bien sur, qui stoppe net son uke. vu de l'exterieur, il est tres credible, meme s'ils l'ont prepare et repete et qu'ils se foutent de ma gueule quand je leur dis que c'etait credible. ce que je ne comprends pas, car j'ai deja vu des enseignants le faire en vrai, sans preparation, et je sais que ca peut tout a fait marcher de prendre le centre a distance comme ca. mais bon, visiblement la thematique est au foutage de gueule puisque le lendemain, andrejw se vante de s'etre jete a la riviere devant le sensei apres s'est mis a poil, difficile de savoir ce qui est cherche dans la mise en avant perpetuelle, en dehors du fait que c'est a l'occasion hilarant. je continue a sincerement essayer de comprendre, car je constate que ca m'a reellement perturbee.
a la fin de la demo, endo sensei se presente avec quatre hommes et trois femmes. c'est plutot beau, mais un peu moins free que ce qu'on en connait d'habitude, sauf avec arigasan ou c'est tres drole a mon gout. il fait un discours non traduit. puis on passe a la pratique. ca se passe merveilleusement bien, tout coule. on fait l'exercice du dos a dos ou il faut faire bouger son adversaire. c'est tres charmant et horriblement complexe.
le soir il y a la soiree. discours. je me retrouve avec le maire et des types qui me font gouter plein de bon sake.
il y a la presentation officielle des deux couples qui se sont rencontres et maries grace au stage de saku, et on a droit a des petites blagues un peu nunuche, un peu vulgaire, mais qui ne sont rien par rapport a ce qu'on pourrait trouver une japon (genre les types qui font semblant d'etre un couple et les filles aussi, ce qui fait d'abord rire tout le monde ; puis des couples homme-femme se forment, mais pas les vrais, ce qui dure tres peu de temps car est vraiment trop inconvenant ; enfin on retrouve les deux couples reels - ensuite il y a hommage / imitation du sensei, plutot reussie meme si pas super fine). ici, une intervention du grand finlandais signale que lui aussi a rencontre sa femme ici, qu'ils sont tous les deux presents (elle est allemande, et ils sont ici avec leur enfant), mais qu'ils ne sont pas presentes comme un couple-saku, ce qui l'etonne. que peut-etre il faut etre ou avoir ete ushideshi pour etre presente ainsi. mai personne ne releve.
enfin presentation du restaurateur qui a debute son restaurant suite au stage de saku ou il a appris a cuisiner, et qui a ete aide beaucoup par les gens du club. bref, devant mes yeux se revele le sens de la secte, comment elle s'instancie toujours au japon comme une communaute qui englobe l'integralite de la vie quotidienne, rend perpetuellement hommage au chef, et en voir la version la plus soft - des gens normaux la plupart du temps, mais nous excluant par un ostracisme discret, en riant de nous tres souvent - sensation diffuse chez les europeens qu'ils se marrent sans cesse en nous regardant, se dediant integralement a des activites communautaires auxquelles on ne nous convie pas alors qu'eventuellement on voudrait bien aider (pile comme le club d'aikido de la fac ou j'ai decide d'arreter de faire des tentatives patte blanche), ca me fout une trouille du tonnerre de zeus. le jeune tcheque rigole en disant "c'est chouette le communisme".
je me dis que suis vraiment trop sensible et qu'etre si facile a traumatiser releve d'un probleme pathologique. nico traduit ca en disant "arrete de juger" mais je ne suis pas d'accord qu'il faille arreter, car tous les rapports au monde on le droit d'exister.
resultat, comme je n'aime pas et que ca fait trop, je fais mon habituelle reaction au malaise diffus et je tombe malade de l'alcool, en vomissant 6 fois (je devais vraiment vraiment vraiment en avoir ras la casquette). ca me rend tres malade et m'empeche de participer au dernier cours. le matin je le signale a arigasan qui me dit "ok", endo sensei passe en demandant "kaze?" et je n'ai pas le temps ni la force de lui repondre, et deux minutes plus tard, madame endo debarque a mon chevet pour me sentir la temperture. je lui dis que ce n'est que l'alcool, la traductrice rit et la femme me dit, comme la super grand-mere qu'elle est, de boire beaucoup de l'eau de saku qui est tres bonne et va me faire du bien, de bien me reposer.
par contre, je peux aider a nettoyer apres le cours, meme si le sensei m'arrete une derniere fois et que je ne sais pas si c'est pour me preserver (deja un petit jeune avait voulu m'arreter parce que je n'etais pas en forme) ou pour m'empecher de participer. toujours une ambiguite dans la non-communication, oui-non ?
dans son discours de fin, il dit qu'il faut venir participer au stage et aussi inviter ses amis. je le crois aussi, mais je ne comprends toujours rien a la notion de participation. juste l'obeissance aveugle reste pour cet apprentissage, et c'est vraiment si loin de mon education post-soixante-huitarde qui demande l'explicitation de la logique sous-jacente, qu'il y a conflit incorpore.
d'un autre sens, j'ai confiance puisque pour la pratique, sa methode me semble excellente. laisser son cerveau au vestiaire est toujours impossible pour moi et je ne suis pas sure d'en avoir envie.
tout le monde nous dit au revoir chaleureusement, en particulier un des ushideshi charmants dont j'ai perdu le nom et qui me dragouille depuis le debut (a la japonaise, en me disant, "tu t'appelles juliette, c'est ca ? ca te plait ici ?" qui est deje le comble de la drague vu que c'est lui, le mec, qui m'aborde, oh la la).
retour en train : fin de golden week, la moitie du voyage debout et en particulier dans les trois heures d'express. car le shinkansen est un cadeau des dieux, mais l'express est 1000 fois plus inconfortable que nos corails dont il est l'equivalent.
il fait chaud a kyoto, et heureusement que la pluie de depeche de revenir.
peut-etre des details me reviendront. excuse-moi lecteur de mon empetrement perpetuel dans des details sans interet.

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