samedi, octobre 08, 2005
arrière-goût chocolat
nous avons vu un film il y a trois jours, dans une grande salle en un soir ou les filles paient moins cher (seulement 1000 円). il y a avait surtout des filles (99%, salle pleine), quelques petits amis, et deux ou trois binoclards coincés qui venaient profiter de la présence de la population de l’autre sexe (mon hypothèse). l’image vaut franchement le coup, le son est les vibration sont immenses, on est content de la salle. les bandes annonces sont des blagues, comme dirait un de mes accompagnateurs : toujours un musique tonitruante, des arrêts sur image angoissants et apparitions de phrases choc ou titres accompagnés de coup de tonnerre. quel que soit le sujet du film.
nous avons donc vu Johnnyyyyyyy avec une coupe au carré et un visage lisse capable de se décomposer en une seconde pour réapparaître normal après un flash-back monomaniaque, une très légère pointe d’hystérie autiste et son ambiguïté homme-femme sous certains angles qui ne semblent pas le quitter depuis l’adolescence. comme on s’en doute, il est l’acteur parfait, il peut tout, surtout l’impossible. autour de lui, tout le monde joue aussi très bien mais sur un mode mineur, uni-dimensionnel, du gentil petit garçon au fou de technologie agressif, du père richissime et prêt à tout céder aux femmes au grand-père ouvrier fidèle et parfaitement aliéné. dans la chocolaterie, en reprenant un propos qui n’est pas le sien, on a un peu l’impression que burton fait un essai. il n’a pas fait (pour moi) un film, il a fait un échauffement, joué une petite étude dans laquelle il vérifie sa capacité à manipuler tous ses vieux trucs, pour les polir une fois de plus, dans un but beaucoup moins clair que d’habitude. pour tout dire, dans un burton c’est seulement la deuxième fois que je ne m’oublie pas dès la deuxième image, que je me souviens du siège, de la pièce, du pop-corn mâché. la première fois, c’est avec ed wood, où un autre fou hystérique et d’une sincérité sans appel, qu’il m’avait fait voyagé dans du trucage de cinéma, rappelant sans cesse à celui qui regarde que tout cela ne lui est pas donné en cadeau, et qu’il faut imagination, effort et sacrifice pour que l’entertainment (même le plus miteux) voit le jour.
ici il me propose dès le début les secrets des chocolats, ou en tout cas une partie des secrets, celle qui est la plus prévisible, image classique d’une usine (classique mais tellement belle ici - on est dans batman presque), de machines qui se meuvent, se passent avec souplesse des plaquettes, emballent, rangent, classent. comme dans tout format de narration classique, un petit mystère, une main intervient qui interrompt la mécanique pour poser un papier - pause qui permet de respirer au milieu d’une musique des années 50 (super nulle, grand orchestre à l’américaine) - qu’on remarque sans comprendre encore puisqu’il s’agit du ressort qui initie l’histoire à venir. on a cru voir les secrets, mais on saura très vite que l’on a vu le politically correct, pas la véritable R & D qui va bientôt nous horrifier et nous dégoutter.
concours, héros désigné dès le début qui gagne malgré des doutes passagers, et qui passera tous les tests, on le sait déjà même sans avoir lu le livre, car il y a derrière le film une petite histoire presque morale, un gentil garçon qui réussit, malgré lui et grâce à son grand coeur, toutes les épreuves.
le film nous parle d'ambiguïté, un personnage qui réussi mais n’est qu’un paumé sans repères relationnels ou sociaux, qui vend les bonbons les plus merveilleux du monde qu’il construit avec les plus grands soins mais n’aime pas particulièrement ses consommateurs, qui veut donner sans accepter que l’on fasse ce que l’on veut de son don, de produits miraculeux produits grâce à un esclavage pas du tout déguiser, bref, du visage de Johnny Depp, lisse et beau, ridé et angoissé. toute cette ambivalence va être diffusée tout au long du film par des effets visuels enchanteurs (qui équivalent - je me répète - batman, dans sa mécanique bien enchaîné) et des raccourcis narratifs cachés effrayants. l’image nous montrent un premier degré de la réalité, beau et bien huilé au départ, mais toujours prêt à déraper dans l’horreur si on ose intervenir un grain se glisse dans la mécanique. on l’a vu dès la première scène, ce qui est important est la joie du petit spectacle, et Willy Wanko applaudit malgré les explosions et le feu qui ont détruit les poupées chantantes. Quand on ne voit que la face brillante, on peut se réjouir sans cesse. L’atroce est rejeté en hors champ - incinérateur supposé, pressage de la fillette pour la rendre normale, sauvetage du jeune goinfre dont on ne sait pas avant la fin s’il s’en sortira ou non, appareil à élongation - et à chaque fois l’explication évasive et la rapidité pour oublier l’embarras font monter un peu plus le malaise. on découvre en outre que tous les ouvriers de l’usine (personnellement, je trouve le personnage du nain tout droit sorti de lynch, ce qui fait partie d’une des références dont je parle après, mais je ne sais pas si c’est moi qui fantasme ou...), dont l’adoration du dieu chocolat en fait une main d’oeuvre corvéable à merci, ont en grand nombre été victimes des expériences pour affiner des produits si merveilleux. certaines expériences (les moutons roses) sont même passées sous secret, limite du bon goût même infranchissable par Willy. les tortures de l’enfance, qui reparaissent en flash-back, montrent un minimum de l’horreur de la réhabilitation incarnée (in-machinée) dans l’appareil dentaire paternel, sous la forme d’un casque disproportionné et signalant que tous les sacrifices sont bons, vraiment.
alors bien sûr quand tout le film repose en parallèle sur des références au show-biz et au cinéma, à travers des scènes d’une lourdeur qui s’assume, commentées par le maître d’un souriant “isn’t it booggie”, on finit par se demander de quoi burton veut vraiment parler. pour moi, c’est le film de quelqu’un que le cinéma dégoutte (hyp1) ou qui se complet dans un mensonge malsain en l’affirmant de plus en plus haut et fort (hyp2). on n’oublie pas qu’on est au cinéma pendant le film, mais on ne l’oublie pas après non plus et je me demande si c’est vraiment la peine de refaire citizen kane aujourd’hui. et surtout qui verra ce type de discours si ce n’est ceux qui savent déjà le mensonge international , son ampleur, ses mécanismes, son désir de transmettre et de former pour ne pas que l’empire disparaisse ? je répondrai à tim, d’une voix faible et inaudible : “si vous êtes dégoutté, n’en dégouttez pas les autres”. ce film est tellement visqueux et au second degré si ravageur, qu’on ne peut guère s’en dépéguer pour retourner tranquillement vers du premier degré.
car il existe des images belles. j’ai vu le bonheur de varda, et elle fait une surexposition là-dedans, avec la fille qui s’éloigne quelques instants de son amant, change de pièce et voit ses contours s’évanouir, pour revenir et reprendre chair en retournant vers lui (pour le pécher du même nom) - je vous raconte même pas comment avec peu de moyens mais des idées on fait des choses belles aussi.
sinon, pour ce qui est de la salle, ça avance, les étudiants sont déjà contactés (rapide pour le japon, dit notre sensei).
nous avons donc vu Johnnyyyyyyy avec une coupe au carré et un visage lisse capable de se décomposer en une seconde pour réapparaître normal après un flash-back monomaniaque, une très légère pointe d’hystérie autiste et son ambiguïté homme-femme sous certains angles qui ne semblent pas le quitter depuis l’adolescence. comme on s’en doute, il est l’acteur parfait, il peut tout, surtout l’impossible. autour de lui, tout le monde joue aussi très bien mais sur un mode mineur, uni-dimensionnel, du gentil petit garçon au fou de technologie agressif, du père richissime et prêt à tout céder aux femmes au grand-père ouvrier fidèle et parfaitement aliéné. dans la chocolaterie, en reprenant un propos qui n’est pas le sien, on a un peu l’impression que burton fait un essai. il n’a pas fait (pour moi) un film, il a fait un échauffement, joué une petite étude dans laquelle il vérifie sa capacité à manipuler tous ses vieux trucs, pour les polir une fois de plus, dans un but beaucoup moins clair que d’habitude. pour tout dire, dans un burton c’est seulement la deuxième fois que je ne m’oublie pas dès la deuxième image, que je me souviens du siège, de la pièce, du pop-corn mâché. la première fois, c’est avec ed wood, où un autre fou hystérique et d’une sincérité sans appel, qu’il m’avait fait voyagé dans du trucage de cinéma, rappelant sans cesse à celui qui regarde que tout cela ne lui est pas donné en cadeau, et qu’il faut imagination, effort et sacrifice pour que l’entertainment (même le plus miteux) voit le jour.
ici il me propose dès le début les secrets des chocolats, ou en tout cas une partie des secrets, celle qui est la plus prévisible, image classique d’une usine (classique mais tellement belle ici - on est dans batman presque), de machines qui se meuvent, se passent avec souplesse des plaquettes, emballent, rangent, classent. comme dans tout format de narration classique, un petit mystère, une main intervient qui interrompt la mécanique pour poser un papier - pause qui permet de respirer au milieu d’une musique des années 50 (super nulle, grand orchestre à l’américaine) - qu’on remarque sans comprendre encore puisqu’il s’agit du ressort qui initie l’histoire à venir. on a cru voir les secrets, mais on saura très vite que l’on a vu le politically correct, pas la véritable R & D qui va bientôt nous horrifier et nous dégoutter.
concours, héros désigné dès le début qui gagne malgré des doutes passagers, et qui passera tous les tests, on le sait déjà même sans avoir lu le livre, car il y a derrière le film une petite histoire presque morale, un gentil garçon qui réussit, malgré lui et grâce à son grand coeur, toutes les épreuves.
le film nous parle d'ambiguïté, un personnage qui réussi mais n’est qu’un paumé sans repères relationnels ou sociaux, qui vend les bonbons les plus merveilleux du monde qu’il construit avec les plus grands soins mais n’aime pas particulièrement ses consommateurs, qui veut donner sans accepter que l’on fasse ce que l’on veut de son don, de produits miraculeux produits grâce à un esclavage pas du tout déguiser, bref, du visage de Johnny Depp, lisse et beau, ridé et angoissé. toute cette ambivalence va être diffusée tout au long du film par des effets visuels enchanteurs (qui équivalent - je me répète - batman, dans sa mécanique bien enchaîné) et des raccourcis narratifs cachés effrayants. l’image nous montrent un premier degré de la réalité, beau et bien huilé au départ, mais toujours prêt à déraper dans l’horreur si on ose intervenir un grain se glisse dans la mécanique. on l’a vu dès la première scène, ce qui est important est la joie du petit spectacle, et Willy Wanko applaudit malgré les explosions et le feu qui ont détruit les poupées chantantes. Quand on ne voit que la face brillante, on peut se réjouir sans cesse. L’atroce est rejeté en hors champ - incinérateur supposé, pressage de la fillette pour la rendre normale, sauvetage du jeune goinfre dont on ne sait pas avant la fin s’il s’en sortira ou non, appareil à élongation - et à chaque fois l’explication évasive et la rapidité pour oublier l’embarras font monter un peu plus le malaise. on découvre en outre que tous les ouvriers de l’usine (personnellement, je trouve le personnage du nain tout droit sorti de lynch, ce qui fait partie d’une des références dont je parle après, mais je ne sais pas si c’est moi qui fantasme ou...), dont l’adoration du dieu chocolat en fait une main d’oeuvre corvéable à merci, ont en grand nombre été victimes des expériences pour affiner des produits si merveilleux. certaines expériences (les moutons roses) sont même passées sous secret, limite du bon goût même infranchissable par Willy. les tortures de l’enfance, qui reparaissent en flash-back, montrent un minimum de l’horreur de la réhabilitation incarnée (in-machinée) dans l’appareil dentaire paternel, sous la forme d’un casque disproportionné et signalant que tous les sacrifices sont bons, vraiment.
alors bien sûr quand tout le film repose en parallèle sur des références au show-biz et au cinéma, à travers des scènes d’une lourdeur qui s’assume, commentées par le maître d’un souriant “isn’t it booggie”, on finit par se demander de quoi burton veut vraiment parler. pour moi, c’est le film de quelqu’un que le cinéma dégoutte (hyp1) ou qui se complet dans un mensonge malsain en l’affirmant de plus en plus haut et fort (hyp2). on n’oublie pas qu’on est au cinéma pendant le film, mais on ne l’oublie pas après non plus et je me demande si c’est vraiment la peine de refaire citizen kane aujourd’hui. et surtout qui verra ce type de discours si ce n’est ceux qui savent déjà le mensonge international , son ampleur, ses mécanismes, son désir de transmettre et de former pour ne pas que l’empire disparaisse ? je répondrai à tim, d’une voix faible et inaudible : “si vous êtes dégoutté, n’en dégouttez pas les autres”. ce film est tellement visqueux et au second degré si ravageur, qu’on ne peut guère s’en dépéguer pour retourner tranquillement vers du premier degré.
car il existe des images belles. j’ai vu le bonheur de varda, et elle fait une surexposition là-dedans, avec la fille qui s’éloigne quelques instants de son amant, change de pièce et voit ses contours s’évanouir, pour revenir et reprendre chair en retournant vers lui (pour le pécher du même nom) - je vous raconte même pas comment avec peu de moyens mais des idées on fait des choses belles aussi.
sinon, pour ce qui est de la salle, ça avance, les étudiants sont déjà contactés (rapide pour le japon, dit notre sensei).
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