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dimanche, janvier 01, 2006

l'annee du chien 

cette année qui commence, c'est celle du chien. au vu de ceux en platre peint que l'on trouve dans les temples, ce sera une année kawai (かわい) - tout est mignon.
anti-record. il ne faut jamais laisser un record en l'air, et il faut l'exploser. j'ai donc dormi deux fois une demi-heure cette nuit pour compenser mon régime félin. il faut dire que la dernière nuit de l'année est pleine de sollicitations.

avant la fin (大晦日). outre la télé qui me permet de voir quelques images de sumo et de fiers travailleurs battant le mochi (pâte de riz qui est mangée en grande quantité pour le premier de l'an et qui est battue pour rendre élastique ou faire entrer de l'air ou donner une texture, je n'ai pas saisi), je croise une copine qui part à la campagne quelques jours et fait crier tout le monde de jalousie, car l'accès au passage de l'an auprès d'autochtones n'est pas aisé pour les nouveaux, très communautaires, que nous sommes. j'apprends lors des discussions comment préparer le mochi que la télé me montrait battu : au grille-pain ou sur un grill posé sur le feu où il enfle comme un popcorn et s'amollit en son centre, dans la soupe coupé en petits bouts où il devient cahoutchouteux. la raison se trouve sur internet facilement et j'en ai parlé l'an dernier : pour les trois jours de l'année, les femmes ne doivent pas travailler. en particulier, le riz était un ingrédient très ennuyeux et long à faire cuire, avant l'invention du rice cooker, et le mochi, qui se conserve trois ou quatre jours, permettait de consommer cet ingrédient essentiel à la survie selon des modes de préparation excessivement peu consommateurs de temps.
j'enquille sur la petite fête où l'on mange bien chez mes voisins, fête francophone s'il en est. il y a alcool et foie gras, ce qui constitue l'essentiel des signaux définissant de façon sûre la fête finale. rien à noter sauf l'anecdote entêtante de manu : muni d'un surf des neiges, il est parti avec son frère à l'assaut du plus haut mont du Japon, Fujisan, qui s'est révélé la seule surface nippone nue à ce moment, tandis que 2 mètres de neige tapissaient le sol de Kyoto même (la neige, en plus petite quantité, n'arrive qu'en février normalement). d'après lui les montagnes alentours ont fait un barrage absolu à la manne tant attendue et le fuji était noir tandis que tous les pics visibles étaient blanchement floconneux.

un "bong" qui cloche. la première sortie est pour le temple dont on m'a dit qu'il valait le coup pour taper les 108 coups des 108 péchés humains. c'est la tradition, on va au temple à minuit où les bouddhistes font une cérémonie de passage en sonnant l'énorme cloche avec la poutre qui y est accrochée. après les prêtres (ici, c'est la secte de la terre pure, des plutôt cool qui ne sont pas forcément rasés et sont mariés) c'est le bas peuple qui cogne. normalement chaque coup évoque un des péchés humains, dont on dénombre 108, donc, mais lesquels ? (internet reste silencieux). les écouter purifie, soit disant. moi j'ai planté mon coup de gong, ce qui signifie : soit que je ne commets pas le péché de la liste que je suis venue taper, soit que je suis loin de la pureté. tandis que nous faisions la queue (un système de ticket semblait limiter le nombre de tapeurs, mais finalement il y a bien eu 300 coups, incluant un humain outrageusement bourré et accompagné de pétasses de haut vol, hurlant akemashite omedetoo, bonne année) on pouvait se réchauffer auprès d'un feu à l'odeur enchanteuse. et assister à une cérémonie à l'intérieur de ce temple que je trouve superbe, et dont les voix des prêtres me sont déjà familiéres pour être venue au petit matin ou le soir quand ils sont assis en rond dans leur salle personnelle. tandis que je montais dans le temple, un type ramassait les tong des moines pour les mettre dans une poubelle en plastique - provoquant un léger étonnement (j'avais encore un système nerveux central en fonctionnement à ce moment-là). en fait, les moines entraient par une porte et sortaient par une autre une fois les chants finis, et le type avait certainement pris soin de placer les soques (le mot poli pour tong) au niveau de la bonne sortie. de toute façon, vu la vitesse à laquelle les présentoirs à bibelots sacrés ont été installés à la fin du service, je constate que l'organisation n'est pas en reste dans les temples.

le karaoke. après avoir pris quelques instants pour prier aussi dans un temple shinto (acheter des petits chiens pour la nouvelle année), je rejoins les nombreux et joyeux camarades dans un karaoke du centre ville. entrant dans la salle, je doute - hystérie à un degré plus élevé que d'habitude, révélée par des hurlements faux et des filles debout, agitées, à deux doigts de monter sur les banquettes (ce qui arrivera pas la suite). mais comme pour tout il suffit de se chauffer et de foncer, finalement il y a un certain plaisir à hurler avec les loups. nous faisons fuir toute la salle en imposant des chansons sans mélodie (le son qui sort de la machine tue également tout l'intérêt de la partie instrumentale), et finissons avec un guillaume en pop star capable d'interpréter 800 chansons sur commande. c'est à vivre parfois. je comprends pourquoi le concept ne prend pas vraiment en france, où les gens ont un peu honte de chanter face au risque de moquerie. ce soir-là, les belles voix sont surtout celles de nos amies japonaise et thailandaise, rompues à l'exercice ; quelques mecs s'en sortent pas trop faux.

le champagne au frais. par le temps qu'il fait, en laissant le champagne sur le balcon, on est sûr de le retrouver prêt à être consommé. nous repassons dans l'appartement de la fête, moi pour attendre le lever du soleil, les autres pour finir doucement la nuit. le lever du soleil : il faut voir les premiers rayons du nouvel an, c'est la coutume que nous avions respecté l'an dernier et je ne vois pas pourquoi je changerai mes habitudes, ayant dormi trop d'heures précédemment. calée de foie gras et de champagne, je quitte la compagnie des humains pour celle des temples vers 6 heures du matin.

frotti-frotta. le matin du 1er janvier est jour de nettoyage dans un de mes temples. je commence par nanzenji, au cas où zazen serait on (bien sûr, pas avant la fin du mois). je profite d'un ballet de balai mélodieux dans la lumière qui emplit doucement l'ambiance quasi-champêtre. les odeurs d'encens et les balayeurs en blanc rouge et bleu (il y a des uniformes de toute sorte pour mon plaisir estéthique) qui frottent de leur balai de paille les allées devant la pièce principale de nanzenji me remplissent d'un bien-être infini. je prie de nouveau pour la paix dans le monde (j'espère que vous tous ferez quelques efforts pour que mon voeu se réalise, merci). avec mon bonnet et mes gants multicolores, je sens que j'éveille la suspicion des travailleurs, leur regard doute de ma santé mentale. sur mon fidèle destrier je pars vers le chemin des philosophes et m'arrête en route dans des jardins ouverts au public comme je ne les avais jamais vus. je découvre des profondeurs en lenteur, surprise d'avoir le droit sans vraiment savoir, je profite de points de vue inconnus. dans un temple, cannes et canards d'ébattent joyeusement sur la mare, une cabane à oiseaux rappelle les modèles proposés par la hulotte dans mon enfance (de l'universalité du moineau). ce temple-là est aussi plein de nettoyeurs, et donne sur un cimetière à l'ambiance vaguement effrayante ("chargée", me plais-je à dire). finalement j'échoue dans le temple manga où je rencontre la tenancière des lieux, en hakama bleu pâle et haut blanc, un feu préparé là encore pour réchauffer les braves. tout le monde continue de frotter. je fais quelques mauvaises actions du premier jour en coupant des branches d'arbres pour le sanctuaire familial dressé dans mon appartement sur base de mochi - je blesse légèrement l'un deux et en concois une honte qui dure encore quelques jours plus tard.

dormir. les braves connaissent l'heure du sommeil qu'ils méritent. il est dix heures du matin quand les yeux se ferment, mais le sommeil ne sera pas avec moi durant encore quelques jours.

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